Café du Luxembourg…

Un dimanche matin d’hiver. Il est encore assez tôt. Pilou essaie vainement de me sortir du lit par des miaulements appuyés et indignés. A la lisière du sommeil et de l’état de veille, je gis dans la chaleur de ma couette avec le désir de suspendre le temps. Et le temps s’arrête effectivement. Je sens le poids léger des pattes de Pilou qui use de tous ses petits moyens félins pour me faire agir. Las… En vain, elle se couche dans le creux de mon bras et ronronne comme un diesel. Des limbes de ma semi-conscience émergent quelques pensées. La journée s’offre à moi, blanche et vierge comme une plage innocente.

Un peu plus tard, couchée sur la table, dans le voisinage de ma tasse de thé et de ma fidèle théière jaune, Pilou, repue, jouit de la chaleur du radiateur autant que de la douceur de ce matin très prometteur.

Que vais-je faire ? Des idées de forêt, humidité de feuilles mortes et chlorophylle, …d’escapades en vélo dans les polders, …de perdition à Ikéa parmi la foule nonchalante et consommatrice du dimanche, …de temps qui s’étire entre petit noir et écriture, dans un café du centre ville.cafe

Le soleil est franc mais le vent vif et coupant. La décision s’impose d’elle-même. Pédaler jusqu’au centre, sentir le vivifiant air de l’hiver me fouetter gentiment le visage, et puis m’asseoir dans un café, le Luxembourg… Café français pour changer.
Oui, ce dimanche matin doux comme le cou d’un chaton invite à la rêverie, aux souvenirs de ma vie française. Je m’installe dans la verrière. C’est la première fois que j’entre dans cet endroit. Il est merveilleusement bien situé, sur la place du Spui (prononcer spaeu), entre librairies et université.

statueSur son socle, un petit jeune homme de bronze, les mains sur les hanches, prend la pose. Il a, au creux de son coude, un bouquet de fleurs offert par des mains anonymes et généreuses. Tout autour de moi des Hollandais. Ca bavarde tranquillement, ça lit le journal, ça déguste des croquettes. Porcelaine blanche et épaisse des tasses de café, à pans hexagonaux, à l’effigie du Luxembourg, jus d’orange frais pressé dans les verres ronds et ventrus, froissement du papier des journaux, vaisselle qu’on entrechoque, tintement de la menue monnaie, brouhaha indistinct des voix humaines et de la radio, et par bonheur, l’absence de cigarettes. Je peux enfin hanter les cafés sans crainte et avec délice. Les serveurs, long tablier noir et chemise blanche, le bras levé avec le plateau rond, les rangées de chaises orientées vers l’extérieur.

Derrière moi la salle plus chaude, plus sombre, avec sa grande table centrale et la rampe de cuivre où pendent sagement les journaux du monde entier. Les gens sont venus là comme moi, passer un petit moment de leur journée, exposés à mes yeux avides de tout voir comme si c’était la dernière fois que je voyais.
L’instant est parfait, rien à ajouter, rien à enlever. Il dure. Je vous l’offre.


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Commentaire

Café du Luxembourg… — 2 commentaires

  1. Hé bien merci du cadeau… ça tombe bien, aujourd’hui c’est ma fête!
    Il y a quelques temps, je découvrais votre belle salutation au soleil, rythmée par le bruit des vagues de l’océan et j’avais envie d’en savoir un peu plus sur votre univers…
    Je me régale de vos textes poétiques et lumineux ainsi que de votre « artjournal » …
    alors, encore, merci merci merci 😉

  2. Je profite tellement de tes textes poétiques qui nous font vivre l’instantané comme si c’était l’éternité. C’est agréable, on a l’impression d’être avec toi.
    Je t’ai ajouté à la partie « moi » de mon site.
    Bonne soirée ! 😀

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